La fonction d’administrateur amène un lot de responsabilités qui peuvent occasionner de lourdes conséquences advenant des litiges. À l’ère des mégas scandales du type de celui d’Enron, Nortel et Lacroix, la prudence est de mise. Il devient donc primordial de prévoir et de mettre en place des moyens de prévention pour les administrateurs de sociétés en cas de poursuite judiciaire. La loi permet en effet à des tiers, à la compagnie elle-même ou à des actionnaires (au nom de la société par actions) de poursuivre en dommages, dans certaines circonstances, les administrateurs suite à un préjudice subi.

Comme corollaire à ce risque de poursuites, des moyens de prévention pour administrateurs de sociétés simples ont été élaborés en droit des affaires. Nous verrons ici uniquement les cas émanant de sociétés par actions fermées, c’est à dire non cotées à la Bourse. Nous considérons qu’un administrateur devrait avoir une connaissance de ces alternatives afin de bien comprendre les risques auxquels il s’expose, ainsi que les moyens de prévention qu’un administrateur devrait connaître lorsqu’il est mis en charge de la gestion d’une société.

Nous aborderons deux moyens préventifs à mettre en place durant l’exécution du mandat d’administrateur de société et la procédure à suivre à la terminaison du mandat.

1) Préventions pendant l’exécution du mandat d’administrateur

A) Contracter une police d’assurance responsabilité :

Pourquoi? Nous recommandons fortement cette mesure de prévention puisque la responsabilité personnelle des administrateurs peut être retenue dans plusieurs cas. Il est par exemple possible qu’une décision du conseil d’administration cause un préjudice à un tiers, à un actionnaire ou même à la compagnie elle-même. Il faut aussi garder en tête que bien des sommes sont récupérables directement des administrateurs si la société par actions fait défaut de les verser à ceux qui y ont droit (salaire, TPS, TVQ, DAS). Même un administrateur de bonne foi peut être tenu personnellement responsable si une de ses décisions ne s’avère pas opportune et cause préjudice.

La société par actions ne doit-elle pas tenir indemne ses administrateurs? La situation diffère qu’il s’agisse d’une société par actions provinciale ou d’une société par actions fédérale.

Au provincial : article 135 L.S.A.
Poursuites civiles
(sans faute lourde ou personnelle)
La compagnie doit indemniser son administrateur
Poursuites pénales, criminelles La compagnie n’assume que le paiement des dépenses de son mandataire qui avait des motifs raisonnables de croire que sa conduite était conforme à la loi ou le paiement des dépenses de son mandataire qui a été libéré ou acquitté
Au fédéral : article 124 L.C.S.A.
Poursuites civiles
(par un tiers) article 124 (2) L.C.S.A.
La compagnie doit indemniser son administrateur qui a agi avec intégrité et bonne foi au mieux des intérêts de la société dans le cadre de l’exercice de ses fonctions et qui a été reconnu non fautif par le tribunal.
Poursuites pénales, criminelles
article 124 (5) L.C.S.A.
La compagnie doit assumer les dépenses de son administrateur qui a agi avec intégrité et bonne foi au mieux des intérêts de la société dans le cadre de l’exercice de ses fonctions et qui a été reconnu non fautif par le tribunal.

Malgré ces dispositions, l’administrateur se retrouvant face à une poursuite judiciaire alors que la compagnie éprouve des difficultés financières ne peut réellement espérer qu’on lui rembourse ses frais de défense (ex : honoraires avocats etc.). C’est pourquoi nous privilégions l’assurance responsabilité plutôt que les seules protections et préventions minimales législatives.

Primes et protection? Il est usuel que l’entreprise assume les primes reliées à l’assurance responsabilité de ses administrateurs. Il est même recommandé d’en faire une condition du contrat d’embauche à ce titre. L’administrateur prudent fera une vérification personnelle afin de s’assurer que les primes de la police d’assurance sont bien payées et que la protection est toujours effective en cours de mandat.

Nous recommandons que le produit de la police d’assurance soit payable directement à l’administrateur plutôt qu’au bénéfice de la compagnie. Si de graves problèmes financiers surviennent et que l’argent de la police d’assurance est payable à la compagnie, il est possible que des créanciers prioritaires touchent aux sommes qui devaient servir à indemniser d’autres gens. Alors l’administrateur se retrouverait à devoir malgré tout payer personnellement.

Quand?

Dans le meilleur des cas, la police d’assurance responsabilité est en vigueur avant même que l’administrateur entre en poste et commence à prendre des décisions dans la gestion courante de l’entreprise. Il n’est cependant jamais trop tard pour mettre un système de protection et de prévention au service des administrateurs de sociétés pour les actes et décisions à venir.

B) Respect d’une convention unanime d’actionnaires d’une société :

Diminution des obligations? Tant la Loi sur les sociétés par actions que la Loi Canadienne sur les sociétés par actions prévoit qu’une convention unanime d’actionnaires peut venir restreindre les pouvoirs attribués aux administrateurs.

L’effet d’une telle convention est de substituer les actionnaires aux administrateurs dans les obligations et la responsabilité de ces derniers. Ainsi, on y prévoit habituellement que les actionnaires décideront :

  • De la déclaration des dividendes
  • De l’émission ou acquisition d’actions
  • De la fixation de la rémunération des administrateurs
  • De la nomination des dirigeants
  • De l’octroi d’aide financière
  • Des emprunts à effectuer

Les administrateurs de la compagnie se retrouve nécessairement avec beaucoup moins de pouvoirs lorsqu’une telle convention est en place. Le degré de risque de poursuites diminue donc en conséquence.

Il faut cependant être conscient que dans bien des PME, les actionnaires ayant signés la convention unanime et les administrateurs sont pratiquement les mêmes personnes. Le transfert de responsabilité est alors théorique puisque en cas de faute, c’est à titre d’actionnaires ayant signés la convention unanime qu’ils seront responsables.

En effet, tant au provincial qu’au fédéral les lois prévoient ce transfert de responsabilité.

Au provincial : article 123.92 L.C.Q.

« Que leurs actions comportent ou non le droit de vote, les actionnaires peuvent, si tous y consentent, conclure entre eux ou avec des tiers une convention écrite restreignant ou retirant les pouvoirs du conseil d’administration de gérer les activités et les affaires internes de la société ou d’en surveiller la gestion.

L’actionnaire unique peut également, au moyen d’une déclaration écrite, restreindre ou retirer les pouvoirs du conseil d’administration. Cette déclaration équivaut à une convention unanime des actionnaires. »

 

Au fédéral : article 156 (5) L.C.S.A.

« Dans la mesure où la convention unanime des actionnaires restreint le pouvoir des administrateurs de gérer les activités commerciales et les affaires internes de la société ou d’en surveiller la gestion, les droits, pouvoirs, obligations et responsabilités d’un administrateur – notamment les moyens de défense dont il peut se prévaloir – qui découlent d’une règle de droit sont dévolus aux parties à la convention auxquelles est conféré ce pouvoir; et les administrateurs sont déchargés des obligations et responsabilité visée à l’article 119 dans la même mesure. »

Nuance importante :

La convention unanime n’est pas opposable aux tiers de bonne foi, en vertu des principes de la gestion interne de la société par actions. Ainsi en cas de poursuites par un tiers, les administrateurs de sociétés seront directement visés malgré l’existence d’une convention unanime entre les actionnaires. Ce n’est que par des procédures subséquentes que les administrateurs pourraient se voir indemniser par les actionnaires.

2) Moyens de prévention à la terminaison du mandat d’administrateur de société :

L’administrateur quittant son poste devrait s’assurer que certains gestes soient posés afin de prévenir les risques de poursuites en responsabilité à son égard.

A) Démarche à suivre en cas de démission :

Comment?

L’administrateur désirant démissionner doit procéder par la notification d’un avis écrit à cet effet (Articles 142 L.S.A. et 108 L.C.S.A.). Nous conseillons l’envoi par courrier recommandé à la compagnie de l’avis écrit confirmant la démission, le tout afin que de conserver une preuve.

Comme deuxième étape l’administrateur se doit de s’assurer que son nom est enlevé des registres gouvernementaux.

Pourquoi?

En effet, tant que le nom d’un administrateur apparaît sur les registres, il existe une présomption que celui-ci est encore en poste et cela peut entraîner sa responsabilité civile pour des actes posés après son départ effectif.

Au provincial :
  • Envoi d’un avis écrit à la compagnie.
  • Demande au registraire des entreprises (Qc) de faire la modification du registre
Au fédéral :
  • Envoi d’un avis écrit à la compagnie.
  • Demande au registraire des entreprises (Qc) de faire la modification du registre.
  • Envoi de l’avis de modification du conseil d’administration au Directeur (Ottawa).

 

Quand?

L’administrateur peut démissionner en tout temps, il n’est donc aucunement obligé de terminer son mandat.

Les procédures administratives énoncées plus haut doivent être faites immédiatement après le moment de la démission.

Conclusion

Les trois rubriques précédentes sont considérées comme des protections usuelles de base. Un examen attentif des faits dans chaque cas particulier demeure néanmoins nécessaire. Nous recommandons la consultation de professionnels s’il s’avère que des doutes persistent dans l’esprit de l’administrateur.

Vous pouvez lire notre article concernant les obligations d’un administrateur à titre de complément informationnel.

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