Les sociétés par actions, qu’elles soient fédérales ou provinciales, sont des personnes morales ayant une personnalité juridique qui leur est propre. D’ailleurs, l’intérêt d’opérer une entreprise par le biais d’une société par actions est souvent principalement motivé par le fait de pouvoir séparer le patrimoine personnel des actionnaires et celui de la société par actions.

Les diverses lois corporatives et le Code civil du Québec établissent des règles de base qui s’appliquent aux compagnies et aux actionnaires. Ces dispositions cadres ne règlent malheureusement pas toutes les situations auxquelles les actionnaires devront faire face dans la gestion quotidienne et au départ d’actionnaires.

Un outil : la convention d’actionnaire

La convention d’actionnaire s’avère un outil particulièrement efficace afin de compléter le portrait juridique de base prévu dans la législation. Ainsi les actionnaires peuvent convenir dans un document légal écrit de :

  • Maintenir une détention proportionnelle d’actions entre les actionnaires
  • Conserver le caractère fermé de la compagnie
  • Protéger les actionnaires minoritaires
  • Déterminer la participation financière des actionnaires
  • Prévoir le rachat des actions
  • Prévenir la fraude ou le vol dans la compagnie
  • Prévoir les conséquences de la faillite d’un actionnaire
  • Partager des revenus
  • Prévoir le remboursement des dépenses
  • Prévoir les situations d’invalidité possibles
  • Prévoir les vacances
  • L’exclusivité et la confidentialité des informations
  • La répartition des tâches
  • La non-concurrence et la non-sollicitation

Nous nous attarderons ici de façon plus particulière à la nécessité d’inclure des clauses de non-concurrence, de non-sollicitation dans la convention entre actionnaires afin que la protection soit optimale.


La non-concurrence dans les sociétés par actions

Sans convention d’actionnaire :

La situation est bien différente de celle qui prévaut pour les contrats de société en vertu du Code civil du Québec. La Loi sur les sociétés par actions (L.S.A.Q) et la Loi Canadienne sur les sociétés par actions (L.C.S.A.) ne prévoient pas de marche à suivre et de sanctions spécifiques concernant la non-concurrence et la non-sollicitation de la clientèle après le départ d’un actionnaire.

Ex : Une entreprise de fabrication d’essences aromatiques est formée de 3 actionnaires (A, B et C) détenant chacun un tiers des actions de la compagnie. Aucune convention d’actionnaire ne régit les relations entre eux. Après quelques années d’opération, «A» décide de quitter la compagnie pour démarrer une entreprise semblable à son propre compte. Sans convention d’actionnaire, «A» peut agir de la sorte en toute légalité, sous réserves de ne pas  » voler  » les secrets commerciaux appartenant à la compagnie. Sans utiliser les mêmes essences aromatiques que la compagnie initial, Monsieur «A» peut néanmoins être dévastateur pour la compagnie puisqu’il connaît tous les clients, les besoins, les coûts, les profits….

La convention d’actionnaire est donc un outil essentiel afin de protéger les actionnaires restants au sein de la compagnie après le départ d’un associé et pour protéger la compagnie elle-même (ex : valeur de revente des actions).


Avec une convention d’actionnaire

Différentes avenues sont possibles afin de limiter les dégâts au niveau de la non-concurrence et de la non-sollicitation.

1) Clause de non-concurrence :
L’inclusion de clauses de non-concurrence et de non-sollicitation dans la convention d’actionnaires est l’étape la plus simple et la plus efficace.

Exemple :  «Chacun des actionnaires convient et s’engage expressément pendant la durée des présentes et pendant une durée de cinq (5) à compter de la date de la disposition de ses actions, à ne pas directement ou indirectement, entrer en affaires ou prêter son concours à une autre entreprise œuvrant dans le même domaine que celui exploité par la société par actions soit ____________ dans le territoire de la ville de __________.»

2) Clause de non-sollicitation :
Le départ d’un actionnaire peut s’avérer désastreux pour la compagnie surtout si la personne était un élément clé auprès de la clientèle. À titre de complément à la clause de non-concurrence nous suggérons l’ajout de dispositions restreignant la possibilité de solliciter.

Exemple : «Chacun des actionnaires convient de ne pas solliciter tout employé, cadre, fournisseur, distributeur ou client de la compagnie pour son compte ou celui d’une autre entreprise ou amener toute personnes à mettre fin à ses relations d’affaires avec la société par actions, ou poser tout acte de nature à faire concurrence à la compagnie.»

3) Clause de pénalité :
L’ajout d’une clause de pénalité vient compléter les dispositions précédentes afin que les actionnaires sachent exactement à quoi s’en tenir.

Exemple : «Chacun des actionnaires convient que s’il contrevient aux présents engagements, il devra, dans les dix (10) jours de la réception d’un avis écrit de la compagnie ou d’un actionnaire lui notifiant ce défaut, verser à la compagnie ou à l’actionnaire une somme de _________$ à titre de pénalité, sans préjudice à tout autre recours de la société par actions, y compris l’injonction.»

Afin de dissuader les actionnaires de concurrencer la société par actions et de solliciter la clientèle, les clauses de rachat d’actions à prix modique sont très utiles.

Exemple : «Chacun des actionnaires convient que s’il contrevient aux présents engagements, il devra, dans les dix (10) jours de la réception d’un avis écrit de la société par actions ou d’un actionnaire lui notifiant ce défaut, offrir ses actions en vente aux autres actionnaires (au prorata) au prix déterminé à l’avance de _________$.»

Les clauses de non-concurrence et de non-sollicitation sont moins facilement contestables lorsqu’elles sont incluses dans une convention d’actionnaires que lorsqu’on les retrouve dans un contrat d’emploi. En effet, les tribunaux présument plus facilement l’équilibre entre les actionnaires signataires qu’entre un employeur et un employé. société par actions

Les avocats et les notaires sont les seuls praticiens ayant le droit de rédiger une convention d’actionnaire pour le compte de clients. Il s’agit d’actes protégés du ressort exclusif à ces deux professions. Chaque situation étant éminemment factuelle, nous vous recommandons de consulter un professionnel afin que le contrat reflète la volonté réelle des parties.


Exemples

Ex : Des salariés d’une entreprise ne peuvent pas comploter avec l’intention d’établir leur propre entreprise concurrente pendant qu’ils sont encore à l’emploi de l’entreprise initiale et ainsi profiter d’occasions d’affaires aux dépens de leur employeur.

Ex : Un vendeur d’uniformes de travail démissionnaire peut solliciter ses anciens clients pour leurs commandes futures puisque cette clientèle n’est pas réservée à son ancien employeur.


Présence de clauses de non-concurrence et de non sollicitation dans le contrat d’emploi

L’entrepreneur qui désire éviter les problèmes et l’ambiguïté dans ce domaine devrait toujours faire signer un contrat d’emploi aux nouveaux salariés qui joignent l’entreprise.

Dans la mesure où les clauses de non-concurrence et de non-sollicitation respectent la loi la légalité des ententes contractuelles n’est pas remise en question. L’article 2089 C.c.Q. stipule :

«Les parties peuvent, par écrit et en termes exprès, stipuler que, même après la fin du contrat, le salarié ne pourra faire concurrence à l’employeur ni participer à quelque titre que ce soit à une entreprise qui lui ferait concurrence.

Toutefois, cette stipulation doit être limitée, quant au temps, au lieu et au genre de travail, à ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’employeur.»

Puisque les clauses de non-concurrence et de non-sollicitation restreignent la liberté de contracter et de travailler des individus, les tribunaux les interprètent de façon très restrictive.


Temps, lieux et genre de travail

La clause de non-concurrence et de non-sollicitation doit absolument être définie dans le temps pour être valide. Si le travail du salarié était très spécialisé (ex : ingénieur responsable du développement en aéronautique ou président de la société par actions) une durée plus longue sera considérée comme étant valide. Cependant dès que les tâches sont moins spécialisées la durée de la restriction diminue.

Ces clauses doivent aussi obligatoirement être restreintes territorialement. Si l’entreprise œuvre uniquement dans une seule ville, la restriction de non-concurrence et de non-sollicitation ne peut pas englober la province ou le pays. Ici encore, les tribunaux sont sensibles au fait que le salarié doit pouvoir gagner sa vie.

Une appréciation des faits dans chacun des cas est donc essentielle. Voici quelques exemples de clauses valables tirées de la jurisprudence :

  • Coiffeuse : 6 mois de non-concurrence dans un rayon de 3 kilomètres
  • Vendeur de composantes électriques particulières : 24 mois de non-concurrence et une liste nominative de clients à ne pas solliciter.
  • Responsable ventes d’aliments surgelés : 6 mois de non-concurrence dans le rayon de Lanaudière et de la Mauricie.

Circonstances de la terminaison du contrat d’emploi

Même s’il y a présence d’une clause de non-concurrence et de non-sollicitation dans le contrat d’emploi, certaines circonstances peuvent en empêcher l’application légale.

En effet, l’article 2095 du Code civil du Québec prévoit :

«L’employeur ne peut se prévaloir d’une stipulation de non-concurrence, s’il a résilié le contrat sans motifs sérieux ou s’il a lui-même donné au salarié un tel motif de résiliation

Donc un employeur qui congédie un salarié pour des motifs qui ne sont pas reliés à la prestation de travail du salarié (ex : pour améliorer la rentabilité de l’entreprise ) ne peut ensuite se prévaloir de la clause de non concurrence.


Conclusion

Comme vous pouvez le constater, la relation employeur-employé est très factuelle et plusieurs aspects peuvent venir en changer le portrait juridique. Nous vous conseillons de consulter un professionnel dès le départ afin que le contrat d’emploi signé soit représentatif des attentes de chacune des parties.

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