Les motifs d’expulsion dans un bail commercial sont nombreux et ils peuvent émaner tant du locateur que du locataire. Pensons simplement au locataire qui néglige le paiement du loyer ou au locateur qui n’effectue pas les travaux mentionnés au bail commercial.
L’expulsion d’un locataire et la résiliation judiciaire d’un bail commercial peut s’avérer une aventure longue et coûteuse et c’est pourquoi les rédacteurs des baux commerciaux incluent depuis longtemps les différentes clauses d’expulsion à l’intérieur d’un bail commercial en cas de défaut du côté de l’engagement de l’une ou l’autre des parties. Malgré ces clauses, les tribunaux sont encore réticents à reconnaître une expulsion et la résiliation du bail commercial qui l’accompagne sans poursuite judiciaire.
Pourtant, l’article 1605 du Code civil du Québec laisse planer l’impression que même dans le cas d’un bail commercial, l‘expulsion automatique est désormais possible :
« La résolution ou la résiliation du contrat peut avoir lieu sans poursuite judiciaire lorsque le débiteur est en demeure de plein droit d’exécuter son obligation ou qu’il ne l’a pas exécutée dans le délai fixé par la mise en demeure. »
Malgré cette disposition, les tribunaux étaient jadis réticents à accorder la résiliation automatique d’un bail commercial. Une décision antérieure était même venue dire que « dans le cas des baux, le législateur avait choisi de maintenir comme règle générale la nécessité d’ester en justice afin d’obtenir la résiliation du contrat »
Décision intéressante à ce sujet :
Le 1 avril 2003, la Cour d’appel du Québec a rendu une décision majeure dans le dossier : 9051-5909 Québec Inc. c. 9067-8665 Québec Inc.
En effet cet arrêt vient nous éclairer sur les conditions nécessaires à la résiliation et l’expulsion sans poursuite d’un bail commercial.
Place Fleur de Lys c. Tag’s Kiosque Inc. [1995] R.J.Q.1659 (C.A.)
Les faits en cause étaient dans cette affaire sont très simples. Un restaurateur avait fait défaut de payer son loyer dans le cadre d’un bail commercial à plusieurs reprises. Suite à la transmission d’une, la locatrice intente, en mai 1999, une requête dans laquelle elle demande l’expulsion du locataire fautif et la résiliation du bail commercial les liant ensembles. Trois jours plus tard, la locatrice change d’idée et décide de se prévaloir de la clause d’expulsion du bail commercial lui permettant d’exiger la résiliation de plein droit du contrat. La locatrice avise les locataires de sa nouvelle décision en envoyant un avis d’expulsion et elle fait fermer le restaurant dès le lendemain.
Le bail contenait la clause suivante : « À défaut par le locataire de payer le loyer à échoir en vertu du présent bail à chacune des échéances ci-dessus fixées, ou de remplir les conditions du présent bail et de tout renouvellement, ce dernier sera résolu de plein droit, à l’option du bailleur, sans préjudice au droit de ce dernier de recouvrer le loyer échu et à échoir en vertu du présent bail. »
La Cour d’appel mentionne dans son jugement : « rien ne permet de conclure à l’invalidité de cette clause. En outre, ce genre de clause semble aller dans le sens que le législateur a voulu favoriser en adoptant la règle prévue à l’article 1605 C.c.Q.
Comme il fut prouvé que le locataire a fait défaut de respecter son obligation de payer le loyer convenu, le juge aurait donc dû conclure que la locatrice pouvait effectivement résilier le bail de plein droit. »
On peut donc en conclure que l’expulsion et la résiliation sans poursuite judiciaire d’un bail commercial est désormais possible. Cependant certaines conditions sont nécessaires :
1) La présence d’une clause non équivoque prévoyant la résiliation de plein droit du bail en cas de défaut du locataire est nécessaire.
2) Il ne faut pas avoir débuté une poursuite en résiliation devant les tribunaux. En effet, l’article 1883 C.c.Q. confère au locataire poursuivi en résiliation de bail, pour défaut de paiement de loyer, le droit d’éviter la résiliation en payant, avant que jugement ne soit rendu, le loyer dû au locateur ainsi que les frais et les intérêts. Ainsi dans l’arrêt : 9051-5909 Québec Inc. c. 9067-8665 Québec Inc, la locatrice fût privée de la résiliation automatique puisqu’elle avait déposé une requête en résiliation trois jours auparavant.
3) La conduite du locateur ne doit pas être abusive. Le délai entre le moment de l’avis de la résiliation imminente et le moment de reprise de possession des locaux ne doit pas être trop court.
Conclusion :
Il semble que l’incertitude qui planait jadis sur la possibilité de résilier un bail commercial sans poursuite judiciaire soit donc grandement dissipée depuis le début des années 2000. Il ne faut cependant pas conclure qu’il s’agit d’une solution miracle puisque le locataire qui reçoit un avis de résiliation peut prendre les devants et introduire une instance en opposition à la résiliation et reporter l’éviction effective jusqu’à ce que les tribunaux aient tranchés la question.
Afin de vous assurer que les dispositions de votre bail soient conformes à vos attentes, nous vous recommandons de les faire vérifier par un avocat spécialisé en droit immobilier.