Caractéristiques et Conséquences Juridiques

À la conclusion d’un contrat, il n’est pas rare que les parties contractantes ne soient pas sur un pied d’égalité. On a qu’à penser aux contrats entre les grandes compagnies et les consommateurs afin de constater que la possibilité de négocier est bien souvent absente. Le Code civil du Québec a voulu pallier à ce déséquilibre en instaurant des dispositions applicables spécifiquement aux contrats d’adhésion.

Pour mieux comprendre ce phénomène, prenons l’exemple du contrat d’adhésion !

Qu’est-ce qu’un contrat d’adhésion ?

L’article 1379 du Code civil du Québec nous éclaire sur la définition de ce concept. « Le contrat est d’adhésion lorsque les stipulations essentielles qu’il comporte ont été imposées par l’une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu’elles ne pouvaient être librement discutées. Tout contrat qui n’est pas d’adhésion est de gré à gré. »

Caractéristiques essentielles d’un contrat d’adhésion ?

1) Les stipulations essentielles du contrat ont été imposées et dictées par une seule partie.

2) Les stipulations essentielles n’ont pas pu être négociées ou librement discutées entre les parties.

Ces caractéristiques sont cumulatives et doivent donc être toutes deux présentes dans un exemplaire de contrat d’adhésion pour que le tribunal décide qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion légitime.

Les stipulations non négociables doivent être « essentielles », c’est-à-dire ne pas avoir un caractère secondaire. Le prix, la durée du contrat, les taux d’intérêts, les clauses d’exonération de responsabilité sont souvent reconnues comme des clauses essentielles.

Les exemples fréquemment cités de contrats d’adhésion sont : les conventions de transport, les contrats de fourniture de services publics (électricité, gaz, eau), les polices d’assurance, les contrats de service téléphonique.

Comment déterminer s’il s’agit réellement d’un contrat d’adhésion ?

Depuis l’apparition des articles concernant les contrats d’adhésion plusieurs personnes ont tenté de qualifier des contrats sous ces dispositions alors que les caractéristiques essentielles n’y étaient pas. Il faut regarder les circonstances particulières à la conclusion de chaque entente afin de voir la force des parties en cause. Il faut qu’une des parties ait perdu la capacité de librement négocier les modalités de l’entente. Ce n’est pas parce que certaines clauses d’un contrat sont à l’avantage d’une seule partie que le contrat doit se qualifier d’adhésion.

Par exemple, le contrat suivant : Une grande multinationale sera peut-être en mesure de négocier un contrat de fourniture d’électricité avec Hydro-Québec alors que le particulier ne pourra pas changer une virgule au contrat d’approvisionnement de base.

Conséquences juridiques du contrat d’adhésion ?

Le contrat d’adhésion est, au départ, tout aussi valide d’un contrat de gré à gré. Cependant le législateur a voulu pallier aux abus possibles en édictant des règles particulières quant à l’interprétation de ces ententes.

Règle 1 : Les clauses abusives (article 1437 C.c.Q.)

« La clause abusive d’un contrat de consommation ou d’adhésion est nulle ou l’obligation qui en découle, réductible.

Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l’adhérent d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu’elle dénature celui-ci. »

Exemple : La Cour d’appel du Québec a reconnu nulle la clause prévoyant l’exclusion complète de toute responsabilité de la part d’Hydro-Québec dans un contrat d’approvisionnement en électricité1

Règle 2 : Les clauses externes (article 1435 C.c.Q.)

« La clause externe à laquelle renvoie le contrat lie les parties. Toutefois, dans un contrat de consommation ou d’adhésion, cette clause est nulle si, au moment de la formation du contrat, elle n’a pas été expressément portée à la connaissance du consommateur ou de la partie qui y adhère, à moins que l’autre partie ne prouve que le consommateur ou l’adhérent en avait par ailleurs connaissance. »

Exemple : La Cour Supérieure du Québec a reconnu que la stipulation d’exclusion de responsabilité du locateur d’un camion, inscrite sur la pochette accompagnant le contrat, constituait une clause externe. Cette dernière est nulle puisqu’elle n’a pas été expressément portée à l’attention du locataire au moment de la formation du contrat2.

Règle 3 : Les clauses illisible ou incompréhensible (article 1436 C.c.Q.)

« Dans un contrat de consommation ou d’adhésion, la clause illisible ou incompréhensible pour une personne raisonnable est nulle si le consommateur ou la partie qui y adhère en souffre préjudice, à moins que l’autre partie ne prouve que des explications adéquates sur la nature et l’étendue de la clause ont été données au consommateur ou à l’adhérent. »

Exemple : La Cour du Québec a reconnu qu’une clause, dans le contrat d’octroi d’une carte de crédit Visa, était nulle puisque illisible et incompréhensible. En effet, la compagnie émettrice n’avait pas fournie d’explications adéquates sur les termes utilisés et sur les conséquences en découlant, soit la responsabilité conjointe et solidaire du solde de la carte de crédit3.

Règle 4 : L’interprétation en faveur de l’adhérent (article 1432 C.c.Q.)

« Dans le doute, le contrat s’interprète en faveur de celui qui a contracté l’obligation et contre celui qui l’a stipulée. Dans tous les cas, il s’interprète en faveur de l’adhérent ou du consommateur. »

Exemple : La Cour d’appel du Québec a interprété en faveur d’un assuré un contrat de police d’assurance multirisque où les clauses d’exclusion de responsabilité de l’assureur n’étaient pas clairement portées à la connaissance de l’assuré. En cas de doute, la Cour rappelle qu’elle doit interpréter en faveur de l’adhérent4.

Règle 5 : Langue des contrats d’adhésion (article 55 Charte de la langue française)

« Les contrats d’adhésion, les contrats où figurent des clauses-types imprimées, ainsi que les documents qui s’y attachent sont rédigés en français. Ils peuvent être rédigés dans une autre langue si telle est la volonté expresse des parties. »

Cette règle ne comporte cependant aucune sanction; ainsi son non-respect n’emporte pas automatiquement la nullité du contrat. Pour bénéficier de cette disposition, l’adhérent doit prouver qu’il a été désavantagé par une rédaction en langue anglaise.

Exemple : La Cour Supérieure du Québec a refusé de prononcer l’illégalité d’un contrat d’assurance rédigé uniquement en anglais puisqu’il appert que l’assuré connaissait bien l’anglais et qu’il n’a souffert d’aucun préjudice à cause de la langue du contrat5.

Conclusion

Il est important de comprendre que les règles souples prévues au Code civil du Québec prévoient que seule la clause « abusive, externe, illisible, incompréhensible » sera nulle.

Le reste de l’entente demeurera valide et les parties devront tout de même respecter leurs obligations à moins que le contrat soit considéré comme un tout indivisible en vertu de l’article 1438 C.c.Q.

Si vous croyez être aux prise avec un exemple de contrat d’adhésion illégal, nous vous recommandons de consulter un spécialiste afin d’obtenir une opinion juridique. Cette étape peut s’avérer très utile afin d’entreprendre des pourparlers avec la partie adverse.

1 Allendale Mutual Insurance Compagny c. Hydro-Québec, (2001) C.A. REJB 2001-27379
2 Poissonnerie Bari c. Gestion Inter-Parc Inc. (National Tilden) (2002) C.S. REJB 2002-28169
3 Banque Toronto Dominion c. St-Pierre, (1997) C.Q. REJB 1997-02951
4 General Accident compagnie d’assurance du Canada c. Genest (2001) C.A. REJB 2001-22026
5 Len-Jay Inc. c. J.R.S. Transport Inc., (2001) C.S. REJB 2001-25774

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